RAPPORT CNUCED 2023: DU DEVELOPPEMENT AFRICAIN

Complémentarité ou substitution, le lien entre  le commerce extérieur et l’investissement direct étranger est un des faits stylisés indéniables de l’économie contemporaine. Plus que simple fait cette relation est inhérente au développement du capitalisme, et elle  est avérée par les données sur les échanges et investissements publiées par la CNUCED. Cette relation  renforce le pouvoir des multinationales dans les pôles et régions qui  prédominent l’économie mondiale, deuxième fait stylisé. Les deux faits stylisés semblent renvoyer à l’effet taille des économies.  Faisons un petit rappel : un fait stylisé renvoie, en économie notamment, à une représentation simplifiée d’un résultat empirique,  souvent se prête à la  généralisation large qui résume des données avérées, mais si de manière analytique elles sont inexactes elles ne deviennent plus une règle générale.

Au constat des chiffres, l’Afrique brille par sa petitesse, et pour cause elle demeure le parent pauvre de la planète. Toutefois l’Afrique compte au sud  un des BRICS, dans l’essor qui sont globalement un des faits stylisés du commerce et des investissements directs internationaux  contemporains mais aussi au nord le Maroc un des pays qui ont réussi à se frayer de nouvelles voies, voire forgent de nouveaux  modèles de développement et son mot d’ordre est le pari sur la coopération pour désenclaver l’Afrique ce qui abonde dans le sens d’un des faits stylisés, à savoir  la formation de pôles régionaux ou subrégionaux  avec des territoires assez  attractifs  et connectés au monde pour promouvoir le commerce et les investissements.

I-                   Commerce international des services : prédominé par  des pays développés et des BRICS (asiatiques)

1-     Le Commerce international des services  par pays et types d’économie

Les exportations  des services ont représenté un chiffre de 7127 billions de dollars en 2022 dont 70.5%  selon le dernier rapport de la CNUCED (*) a été réalisée par les pays développés.  Par rapport à 2021 cet export des services  a enregistré une hausse de 14.8% . Parallèlement les importations en 2022 ont totalisé 6602  billions de dollars  soit en croissance de 14.7% par rapport à 2021  avec une part de  66.7% détenue par les pays développés.

(*) CNUCED , WORLD INVESTMENT REPORT  2023 INVESTING IN SUSTAINABLE ENERGY FOR ALL  SITE WEB UNCTAD/WIR/2023

Les  pays développés qui ont connu une croissance respectivement de 11% et de 13.7% des exportations et des importations , ont été dominés par les USA et des pays de l’UE :

–          Les 5 premiers pays développés exportateurs des services sont les USA (13% de l’export des services dans le monde) suivis du Royaume Uni (6.9%) , de l’Allemagne (5.8%) de l’Irlande (5%) et de la France (4.7%) représentant ainsi un peu plus du tiers mondial(35.4%).

–           Les 5 premiers pays développés importateurs des services sont les USA (10.6% de l’import des services dans le monde),  suivis de l’Allemagne (7%), de l’Ireland (5.6%) ,  du Royaume Uni (4.8%) , et de la France (4.3%) représentant ainsi près du tiers mondial (32.3%).

Quant aux pays en développement, le commerce international des services a  connu une croissance plus importante tant  pour les exportations (24.8%) que pour les importations (16.7%) et une prédominance notamment 2 grands pays des BRICS.

–          Les 5 premiers pays en développement  exportateurs des services sont la chine (5.9%) du total mondial) suivie de l’INDE (4.3%), de Singapore (4.1%) des EAU (2.2%) et  de la Turquie (1.3%) soit au total 17.8% du total mondial

–          Les 5 premiers pays en développement  importateurs des services sont la chine (7% du total mondial) suivie de l’INDE (3.9%), de Singapore (3.8%) des EAU (1.5%) et la de la Turquie (1.3%) soit au total 17.5% du total mondial

Le commerce des services par catégories d’opérations

Dans les pays développés, les services d’assurance financiers, propriété intellectuelle et autres services professionnels sont la première catégorie (le tiers) suivis des services de transport (le 1/5ème)  et des voyages et enfin des les télécommunications ordinatrices et information.

Pour les pays en développement,  avec une part plus importante des transports (le quart), on comprend mieux la place moins importante (le 1/5ème) pour la catégorie des services d’assurance financiers, propriété intellectuelle et autres services professionnels qui sont des secteurs à fort contenu technologique et de services supérieurs.

Les  pays africains leaders

Les 5 premiers pays importateurs de services sont l’Egypte, le Nigéria, l’Afrique du Sud, le Ghana et l’Angola tandis qu’au niveau des exportateurs des services, les 5 premiers sont outre l’Egypte (0.4%). Le  Maroc avec 0.3% du  total mondial,  est le deuxième exportateur des services suivi de l’ Afrique du Sud et du Ghana et de l’Ethiopie.

II-Les traits saillants des ID : légère hausse dans le monde en 2023…

Malgré sa légère hausse de +3%   en 2023 à 1370 billions $  (*) le montant des flux des IDE est encore en deçà du  pic de 2021. :

Selon  les pays d’accueil, les  IDE  et  après leur chute en 2020 à 962 billions de dollars, derechef  en  2022, les IDE se sont davantage orienté vers les économies en développement  (70,6% contre 59.6 en 2021).  Les flux des IDE  ont  décliné  (-12%) entre 2021 et 2022 de 1 478 à 1 295 billions de dollars. Ce déclin est dû à la baisse de ces flux dans  les économies développées ( de 597 à 378 billions de dollars entre ces deux années) au moment ou dans les pays développés ces flux ont été marqués par une hausse (de 881 à 916  billions de dollars).

Par  contre,  selon d’origine, ces flux (billions de dollars) n’ont cessé de croitre en 2020, 2021  et 2022 : respectivement de 732 à 1729 puis à 1490. Les pays développés en représentent  l’essentiel (72% en 2021 et 69.2% en 2022) à l’exception de 2020 où les pays en développement ont  été l’origine de 52,2% de  ces flux dans le monde.

… l’Afrique loin derrière l’Asie et l’Amérique latine

En 2023, en Afrique qui n’a drainé que 48 billions de dollars (3.5%), la situation est restée stable selon le rapport de la CNUCED sur les investissements étrangers dans le monde.  Dans ce panorama international,  l’Afrique fait figure de parent pauvre : elle a accueilli  4.1% ; 5,4% et 3.5% de ces flux respectivement en 2020 et en 2021 et 2022. Mais , elle n’a été à l’origine que de 0.2% ; 0.2% et 0.4% pendant ces 3 années.

A titre de comparaison, l’Asie a accueilli respectivement 53.7% ; 44.8% et 51.1% des flux des IDE dans le monde,  en 2020 et en 2021 et 2022 et été à l’origine  de 52.8,2% ; 28% et 30.8% pendant les années 2020 ; 2021 et 2022.  Cette région est  la plus attractive et la plus dynamique parmi les pays en développement malgré la baisse de ces flux dans cette région en 2023 de 12%.

Concentration des flux nets et du stock des IDE par pays

-les flux nets des IDE entrants

Le  tableau montre qu’après le pic de 2021 des IDE en Afrique ils ont baissé de 56.4% en 2022 et que les principaux pays d’accueil sont l’Afrique du Sud , l’Egypte, le Nigéria, l’Ethiopie et le Maroc.


Le stock des IDE entrants

Le  stock des IDE entrant a été marqué par une tendance baissière en déclinant en  2010 de 1/10ème  des IDE dans les PVD à 7% en 2022  malgré leur hausse de 60,4% en 2021.

Le stock des IDE

De même,  l’Afrique du Sud, l’Egypte, le Nigéria, et le Maroc qui se taillent la part du lion de ces actifs ont vu leur part baisser à partir de 2010.

Les flux et stock des IDE sortants

En termes des flux les parts des IDE africains dans ceux des économies en développement demeurent faibles ( 2,5% en 2017 à 1,3% en 2022) mais n’en reflètent pas moins un phénomène  singulier de maturité des capitalisme  de quelques pays .

IDE Sortants

Le leadership continental

La position de l’Afrique du sud  renvoie au poids des multinationales sud-africaines souvent filiales de groupes anglo-saxons traditionnellement établis en Afrique dans ce  pays partenaire de l’OCDE depuis 2007. Sa vision est beaucoup plus mondiale que spécifiquement africaine.

Le Maroc et aussi le Nigeria , qui sont parmi les pays cités dans le rapport de la CNUCED qui ont des perspectives prometteuses : « Les annonces de nouveaux projets ont augmenté, principalement en raison de la forte croissance au Maroc, au Kenya et au Nigeria » (Observateur des tendances mondiales de l’investissement, n°46)

Les  auteurs du rapport rappellent, cependant, le problème de la chute des financements des projets «  qui a affaibli les perspectives des flux de financement des infrastructures. » tendance au demeurant affectant les investissements étrangers en 2023 au niveau mondial.

Le Maroc et des pays comme ceux du sahel ou le Nigéria, en attendant le déblocage du problème financier,  ont fait leur la voie de la coopération dans la proaction avec les moyens et les possibilités existantes :

–          Ainsi  à l’Initiative royale d’offrir l’accès des pays du Sahel à l’Océan Atlantique vise « l’émergence d’une nouvelle Afrique : une Afrique forte, une Afrique audacieuse qui prend en charge la défense de ses intérêts, une Afrique influente dans le concert des Nations ». Entre le nord et le sud les espoirs nourris par les nombreux  pays continentaux  pour sortir de leur enclavement sont légitimes.

–          de même la construction du gazoduc NigeriaMaroc qui devrait commencer cette année offre un exemple de cette coopération qui peut ouvrir la voie à des divisions de travail sur des maillons de chaines industrielles comme c’est le cas des pays asiatiques.

–          Enfin la stratégie d’investissement en Afrique des groupes marocains offre un modèle basé sur les joint  ventures  baptisée  « nouvelles formes d’investissements »  à l’exemple des complexes OCP en Ethiopie et  des reprises d’institutions  comme la banque égyptienne.

Redouane SIBAI