
#faitstylisés
La montée fulgurante des services ! n’est-ce pas un des faits stylisés de l’économie mondiale dans les pays développes comme de ceux en développement. Depuis que les premiers auteurs ont constaté dans leurs travaux le poids du tertiaire dans les pays industrialisés, les écrits se sont multipliés à ce jour pour évaluer les mutations qui ont constaté que les services ne cessent de renforcer leur position et poids dans l’économie moniale. C’est ce constat que font l’OCDE, et l’OMC et la CNUCED pour le Maroc qui est vivement interpellé en tant que pays aspirant à un statut d’économie émergente,
et d’ores et déjà, sans optimisme béat de notre part, les examens neutres de sa politique des services saluent les avancées et sont positivement critiques.
Les services au centre de l’économie mondiale
Nous sommes devant une économie globale dominée par les services « Les services représentent une part essentielle de l’économie mondiale, génèrent plus des deux tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial, attirent plus des trois quarts de l’investissement direct étranger dans les économies avancées, emploient la plus grande partie des travailleurs et créent la plupart des nouveaux emplois dans le monde » cf. OCDE février 2024. « Les échanges de services dans l’économie mondiale » (https://www.oecd.org/fr/echanges/sujets/echanges-de-services/)
Le rapport « SERVICES TRADE POLICIES AND THE GLOBAL ECONOMY.2017 » (https://read.oecd-ilibrary.org/trade/services-trade-policies-and-the-global-economy_9789264275232-en#page17 ) a commencé , d’abord, par analyser cette transformation structurelle des économies vers les services, soulignant que le tertiaire a toujours accompagné le développement du capitalisme, dominé autrefois par le secteur manufacturier lequel secteur , malgré son déclin aujourd’hui , reste marqué par une productivité du travail plus élevée que dans certains services.
La part élevée des services dans l’emploi semble refléter une baisse de la productivité du travail , fait souligné depuis les années 70, par les premiers travaux Sur cette montée des services dans les économies avancées. Citons à cet égard l’ouvrage du pionnier Daniel Bell « THE COMING OF THE POST INDUSTRIAL SOCIETY A Venture in Social Forecasting.NY.1973» .
La question de la faible productivité dans le tertiaire, est paru confirmer les idées courantes sur le caractère improductif de ce secteur, voire avait suscité des craintes notamment celle du retour à des politiques industrielles.
Mais l’évolution au sein des industries de services a permis de donner l’exemple de secteurs modernes des services qui ont une productivité de travail élevée rattrapant ainsi les industries, voire devenant un levier de productivité et de compétitivité du secteur manufacturier, faisant ainsi de leur complémentarité une condition du développement..Et pour cause les services dans économies avancées bénéficient des impacts positifs de la 4ème révolution technologique qui a permis l’éclosion de nouveaux services, grâce notamment aux technologies de communication et le rapport de l’OCDE (2024) cite à cet égard les services professionnels, l’informatique et les télécommunications.
Commerce international des services : la nouvelle génération de
produits « knowledge captured »
Capture, transfert et conservation des connaissances critiques sur les produits et les processus (https://www.sigmetrix.com/capture-transfer-and-retain-critical-product-and-process-knowledge/ )
De même, l’OCDE dans son rapport de 2017 avait mis en exergue le rôle des « knowledge-capturing products » , à savoir les logiciels, la musique, les vidéos, les livres électroniques… , ces produits numériques qui peuvent être stockés et consommés après leur production et de manière répétitive, ont notamment bénéficiés aux services professionnels.
Ainsi dans la facilitation du commerce transfrontière des services, la révolution des technologies d’information et de télécommunication, a été la force motrice de la montée des services dans les marchés internationaux. Elle a notamment été bénéfique aux PME.
Face à ces avantages, ce commerce international n’en reste pas moins concentré. Le secteur des services est marqué par une concentration au niveau des firmes , des marchés et des produits comme le montre le rapport à travers les parts du nombre de destination, de produits.
Or, paradoxalement il s’agit surtout de micro et Petites Entreprises dits « born global », ce qui ramène les auteurs du rapport de l’OCDE à dire que ceci inspire et incite les initiatives politiques à encourager les autres à suivre leurs exemples.
L’appel de l’OCDE est d’en faire un levier pour le développement de tous sous un Slogan « Make globalisation work for all” achoppe aux restrictions imposées par les autorités publiques dans plusieurs pays comme ceux non-adhérant à l’OMC.
OMC : AGCS cadre pour promouvoir les services sauf le digital
Si les services prédominent la production et l’emploi, il parait qu’ils ne représentent que 25% de commerce total au titre des statistiques de la balance des paiements !
Et pour cause l’OMC explique ceci par le fait qu’un des modes principaux du commerce des services n’est pas pris en compte dans ce calcul. Il s’agit du mode 3 , à savoir le Mode « présence commerciale » qui peut se matérialiser par l’installation d’une filiale, une succursale ou un bureau de représentation et qui est courant pour une banque, un groupe hôtelier, une société de construction.. Pour l’OMC une fois ce 3ème mode pris en compte, le commerce des services totalise environ 50% de la valeur ajoutée(source : https://www.wto.org/french/tratop_f/serv_f/gatsqa_f.htm)
Rappelons que l’AGCS définit 3 autres modes de fourniture des services comme suit:
Mode 1 — Commerce transfrontières : fournitures peuvent inclure des rapports de consultants ou des études de marché, des conseils de télémédecine, la formation à distance ou des plans architecturaux.
Mode 2 — Consommation à l’étranger : touristes, étudiants ou malades Mode 4 — Présence de personnes physiques : fournisseur indépendant (consultant, travailleur de la santé…) ou salarié d’un fournisseur de services (bureau de consultants, hôpital.
Or, il semble que l’AGCS est encore relativement incomplet, si nous considérons le secteur des technologies numériques: « Les règles fondamentales de l’OMC existants dans le cadre de l’AGCS – y compris la clause de la nation la plus favorisée et le traitement national – qui, bien qu’elles encadrent le commerce des services, elles semblent toutefois manquer de réponses aux questions clés relatives à la régulation des technologies numériques présentes dans la fourniture de services. Ces technologies « transcendent » les considérations classiques d’accès aux marchés et de libéralisation. Elles nécessitent le plus souvent « l’interaction du droit interne et du droit international »cfp.10 op.cit
Le Maroc : Examen de la politique des services la CNUCED 2021 :
La nécessité de révision du modèle de développement
Cet examen semble le plus récent car réalisé en 2021, au sortir de la crise de la pandémie COVID 19 . Ainsi, et sur la base du constat de « La part croissante du commerce des services et le transfert grandissant de la valeur ajoutée mondiale des biens vers les services » , il a fait 2 recommandations au Maroc :
D’abord « revitaliser sa politique commerciale notamment en engagent les réformes nécessaires dans le secteur des services afin de pouvoir tirer profit de l’essor que connaissent les échanges régionaux et mondiaux dans ce domaine. » (p.12) et le Maroc au même titre que les PVD se doit de « se concentrer en priorité sur la levée des contraintes de l’offre pour promouvoir l’exportation des services. »p.16 op.cit
……Mais gare au « Middle-Income Trap » !….
L’étude de la CNUCED renvoie au document consacré par la Banque mondiale à l’analyse de l’économie marocaine . Celle-ci précise que si le modèle suivi depuis les années 90 qui était « basé essentiellement sur l’expansion soutenue de la demande intérieure » a été performant avec une croissance du PIB , une augmentation de l’espérance de vie et une diminution de la pauvreté, il semble qu’il « a atteint ses limites » cf « Morocco’s Growth and Employment Prospects Public Policies to Avoid the Middle-Income Trap” p.7 Emmanuel Pinto Moreira policy research working paper 2019”. L’auteur estime que le Maroc court à cette trappe.
Considérant les changements rapides de l’environnement international marqué par une concurrence intense des économies à bas salaires et de l’automatisation des emplois peu qualifiés, Pinto MOREIRA, dans cette étude, met l’accent sur un nouveau cadre pour le modèle de croissance qui habilitera le Maroc à éviter de tomber dans la trappe des pays à revenu intermédiaire. Le rapport de la banque mondiale poursuit en expliquant que le nouveau modèle de croissance du Maroc qui doit réaliser un taux moyen annuel de 4%, ne peut plus compter sur les exportations des biens manufacturés intensifs en main d’œuvre en raison de la concurrence sur ces produits. L’étude préconise ainsi : ““a new growth model based on increased quality of human capital, innovation and higher value‐ added production in new and existing tradable sectors, and greater integration in global value chains, is essential.”
…..Et respecte ses engagement AGCS pour les services professionnels et impose déclaration par les plateformes de leur chiffre d’affaires
Et si nous revenons aux recommandations de la CNUCED , on constate qu’il complète les préconisations de l’étude de la banque mondiale au niveau du pilier innovation : « l’avènement de l’économie numérique et les nouveaux modèles commerciaux exigent des régulateurs nationaux dans le secteur des services un effort constant dans la conception et l’adaptation des réglementations en la matière. Dans ce contexte, la productivité nationale et la compétitivité liée au commerce dépendent de plus en plus d’une réglementation intérieure judicieuse et cohérente. » « Examen de la politique des services : MAROC » CNUCED: 2021.
Conscient que les Services professionnels et services aux entreprises qui jouent en effet un rôle important dans le développement , le Maroc s’est engagé, au niveau horizontal, à n’imposer aucune limitation en matière de traitement national.
L’Accès aux marchés requiert la Nationalité marocaine pour certaines des professions réglementées, comme le Notaire et adoul , Architecte , Expert-comptable. Mais le Maroc a souscrit des engagements au sein de l’OMC pour une catégorie de services professionnels, à savoir les services comptables, d’audit et de tenue de livres. Pour cette catégorie de services, le Maroc s’est réservé le droit de limiter la participation du capital étranger à 25%,
Les environnements réglementaires sont identifiés comme restrictifs mêmes dans les pays de l’OECD qui mène une étude relative au calcul de l’indice de restrictivité des échanges de service chaque année et la dernière édition montre que les offres de services à l’international , dans le cadre des modes de la présence commerciale et de commerce numérique ont fait face en 2023 à des barrières qui ont affecté leur opérations d’investissement à l’étranger et de commerce dans les services « Services Trade Restrictiveness Index Policy Trends up to 2024”. Les secteurs concernés sont les services informatiques, les télécommunications, le transport et les banques commerciales.
Toutefois un secteur est pointé du doigt : “Moreover, tighetening rules on digital trade and foreign e-commerce plateforms add to the challenges faced by global services providers » P.7 op.cit.
Ce n’est pas tombé dans la mauvaise oreille ! car ce souci est partagé par les administrations publiques à l’instar du FISC qui exhorte les plateformes à déclarer leur chiffre d’affaires à partir de cette année fiscale (cf LF 2024).
et d’ores et déjà, sans optimisme béat de notre part, les examens neutres de sa politique des services saluent les avancées et sont positivement critiques.